L’Ami Américain
L’Ami Américain
Lorsque le Général de Gaulle revint aux affaires en 1958, le traité de Rome instituant la Communauté Économique Européenne autrement dit le Marché Commun de l’Europe des Six avait été signé l’année précédente en mars 1957. En qualité de Chef de l’Etat, il avait notamment pour rôle d’assurer le respect des Traités. Il se trouva donc confronté à une situation qu’il n’avait pas voulue mais qu’il devait utiliser au mieux des intérêts de la France.
Or dans cette Europe des Six, la France était la première puissance économique, le pays le plus vaste et le plus peuplé (l’Allemagne d’alors étant réduite à l’Allemagne de l’Ouest et sortant difficilement de sa reconstruction) et il estima malgré les arrière-pensées qu’il soupçonnait déjà de la part des Américains après tant de difficultés qu’il avait dû affronter avec eux pendant la guerre comme Chef de la France Libre qu’il pourrait constituer avec ses alliés une Europe des Nations, Européenne, dans laquelle la France jouerait le premier rôle.
Alors qu’il n’était encore que Président du Conseil, il avait déjà invité le Chancelier Adenauer à La Boisserie en septembre 58. Ce sera le début d’une longue marche vers la réconciliation entre la France et l’Allemagne qui aboutira le 22 janvier 1963 à la signature du Traité de l’Elysée.
Malheureusement la signature de ce traité ayant fortement irrité le Président Américain John Kennedy, celui-ci s’arrangea pour que le Bundestag qui devait le ratifier en juin 63 ajoute à la version allemande du Traité un protocole interprétatif qui en modifiait complètement le sens.
Le Général de Gaulle voulait une Europe des Nations, européenne, dominée par la France, il s’était opposé à la réunification de l’Allemagne et à l’entrée de la Grande Bretagne dans le marché commun.
Or, le préambule rectificatif lui renvoya un Traité vidé de son sens, l’Allemagne rappelant le maintien primordial de l’alliance entre l’Europe et les Etats-Unis, la volonté de rétablir l’unité allemande, d’ouvrir l’Europe à la Grande Bretagne et d’abaisser les barrières douanières entre la CEE la Grande Bretagne et les USA !
Fermer la ban !
Ancien de Saint-Cyr, il avait étudié l’Art de la guerre de Sun-Tsu et les célèbres stratagèmes de la dynastie Ming, ce qui lui permit immédiatement de déceler le piège qui lui était tendu, celui de l’encerclement, ce qui lui fit dire à son Ministre et confident Alain Peyrefitte :« Les Allemands avaient été mon grand espoir. Ils sont mon grand désappointement ».
Tant qu’il fut en place il maintint l’Europe des Six, interdit l’entrée de la Grande Bretagne dans le Marché Commun, et commença ce qui allait représenter un véritable triomphe pour la France affirmant que : « Le monde est vaste et la France a un grand rôle à jouer »
- 60 : Indépendance de toutes les colonies françaises de l’AOF, de l’AEF et de Madagascar
- 62 : Fin de la guerre d’Algérie et signature des accords d’Evian
- 64 : Reconnaissance de la Chine
- 64 : Visite triomphale au Mexique et dans les Etats de l’Amérique Latine
- 66 : Discours de Phnom Penh
- 66 : La France quitte le commandement intégré de l’OTAN et renvoie les Bases américaines
- 66 : Visite en Russie recevant un accueil enthousiaste
- 67 : Triomphe au Canada : Vive le Québec libre !
Ce qui fit apparaître une fois encore la France comme le « Porte-parole de la Liberté des Peuples et des Nations ».
Il ne s’arrête pas là et en 65, non seulement il récupère les barres d’or de la Banque de France soustraites pendant la guerre à l’occupant allemand mais change en or selon les accords de Bretton-Wood tous les dollars détenus par la France au grand dam des Américains !
Mais après les évènements de Mai 68, lassé du pouvoir et conscient du travail de sape des forces conservatrices tant françaises qu’allemandes et américaines il quittera le pouvoir le 29 avril 1969 et son successeur Georges Pompidou rompra dès 1972 avec le veto du Général en demandant par référendum au peuple français d’autoriser l’entrée de la Grande Bretagne, du Danemark, de la Norvège et de l’Irlande dans la CEE. La Norvège refusera !
Le « stratagème des chaînes » fonctionnera à merveille. Il est vrai que les USA calvinistes persuadés de leur « Manifest Destiny » n’hésitèrent pas à travers des Fondations largement financées de s’adjoindre les sympathies de personnalités françaises d’avenir.
Qu’on en juge :
Chez les Young Leaders : Alain Juppé, Alain Mérieux, Alain Minc, Alain Richard, Anne Lauvergeon, Arnaud Montebourg, Cédric Villani, Christine Ockrent , Édouard Philippe, Emmanuel Chain, Emmanuel Macron, Fleur Pellerin, François Hollande, François Léotard , Henri de Castries, Jacques Toubon, Jean-Marie Colombani , Jean-Noël Jeanneney, Jérôme Clément, Laurent Joffrin, Laurent Wauquiez, Marisol Touraine, Matthieu Pigasse, Najat Vallaud-Belkacem, Nathalie Kosciusko-Morizet, Nicolas Dupont-Aignan, Pierre Moscovici, Valérie Pécresse
Au Groupe Bilderberg : Alain Juppé, Bernard Cazeneuve, Bruno Le Maire, Christine Lagarde, Dominique Strauss-Kahn, Édouard Philippe, Emmanuel Macron, Fleur Pellerin, François Baroin, François Fillon, Gabriel Attal, Gaston Defferre, Georges Pompidou, Henri de Castries, Jean-Michel Blanquer, Laurent Fabius, Manuel Valls, Valérie Pécresse
Ce qui fit dire à François Mitterrand, à la fin de son mandat, après 14 ans de présidence, record absolu pour la République, à un journaliste célèbre : « La France ne le sait pas mais nous sommes en guerre avec l’Amérique. Oui, une guerre permanente, une guerre vitale, une guerre économique. Oui, ils sont très durs les Américains, ils sont voraces, ils veulent un pouvoir sans partage sur le monde. C’est une guerre inconnue, une guerre permanente, sans mort apparent et pourtant une guerre à mort !
Il avait compris, bien tard, le message de celui qu’il avait si longtemps combattu !
Pierre Chastanier, 9 décembre 2023