Lettre à la nouvelle Ministre de l’Education Nationale
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Lettre à la nouvelle Ministre de l’Education Nationale
Madame la Ministre,
Vous venez d’hériter d’un « super ministère » puisqu’il a en charge aussi bien la jeunesse, les sports, les jeux olympiques et l’éducation nationale.
Ne craignez-vous pas que « Qui trop embrasse mal étreint » ?
Votre parcours universitaire n’est pas en cause (Sciences Po, ESSEC, ENA), ni vos aptitudes sportives (Championne de France junior de Tennis), ou vos activités professionnelles (Cour des Comptes, Axa, Carrefour) ni votre engagement associatif (Sport dans la ville, Fédération Française de Tennis), ni votre engagement politique (ministre des Sports du Gouvernement Borne), ni enfin vos liens familiaux (mari Président de Sanofi, nièce d’Alain Duhamel, Patrice Duhamel et Nathalie Saint-Cricq, camarade de promotion d’Emmanuel Macron à l’ENA).
Je ne parlerai pas non plus de votre entrée quelque peu ratée au Gouvernement de Gabriel Attal par vos déclarations malheureuses sur les raisons du choix de « Stan » pour vos enfants car, depuis 1984, vous étiez à peine née, nous avons massivement manifesté pour la liberté de choix de l’école, publique ou privée : « L’école choisie par les parents et payée par les parents…et leurs impôts », pas plus que sur les arrangements avec le ciel pour les critères de sélection de Parcoursup de vos enfants .
Mais le Ministère de l’Education Nationale, premier budget de l’Etat, a besoin de conduire une telle remise en cause (France 23ème au classement PISA) et doit faire face à de telles priorités (restauration du rôle et de l’autorité des Professeurs et des Chefs d’établissements, revalorisation des salaires, fonctionnement, recrutement, harcèlement, dérives communautaristes, inculcation des valeurs républicaines, rénovation des méthodes pédagogique, …) que face à des syndicats qui vous seront plutôt hostiles alors qu’il vous faudra manager 1.1 million de fonctionnaires dont 850.000 enseignants, la dispersion de vos tâches, ne serait-ce que par les gigantesques problèmes posés par les JO, me paraît totalement disproportionnée.
A l’heure où notre société est largement fracturée en 3 blocs qui ne veulent plus se comprendre, fracture qui va sans doute s’amplifier après les élections européennes de juin où la majorité macronienne sera encore plus éloignée que maintenant de la majorité politique du pays, votre tâche même aidée par le jeune Premier Ministre qui en matière d’Education n’a énoncé que des promesses sera loin d’être aisée.
La loi sur l’immigration n’a rien réglé, vous le savez bien, or l’assimilation reste, quoi qu’on en pense, l’idéal républicain par excellence. « A Rome vivons comme les Romains ». Nous devons faire en sorte que ne viennent en France que ceux que nous pouvons accueillir et qui peuvent partager nos valeurs même s’il est légitime qu’ils désirent conserver dans la sphère privée les us et coutumes qu’ils chérissent.
En vue de cet objectif, comment faire de la Maternelle au moment décisif où explosent véritablement les connexions synaptiques des neurones de l’enfant, la base de l’égalité républicaine même réduite à l’égalité des chances ?
Comment faire pour que des classes homogènes du Primaire au Secondaire où devront être affectés des enseignants adaptés et motivés redonnent à tous les élèves dans la confiance et le respect des parents et des enfants la possibilité de progresser chacun à son rythme ?
Comment faire pour que l’Université accueille des étudiants motivés aptes à suivre les enseignements dispensés, correspondant aux besoins du pays et pris en charge par la Nation selon leurs possibilités familiales ?
Comment en finir avec les 150.000 élèves qui sortent chaque année de la scolarité obligatoire sans maîtriser les savoirs fondamentaux : lire, écrire, compter, réfléchir ?
Quand créera-t-on enfin des internats musclés voire militarisés pour ceux qui, peu nombreux, perturbent totalement le bon fonctionnement d’une classe ?
Quand interdira-t-on enfin l’intrusion inacceptable dans les établissements scolaires de parents, perturbés par leurs croyances ou par des prêches enflammés qu’on ne devra plus tolérer, qui ne comprennent même pas ce que l’école peut seule apporter à leurs enfants ?
Quand permettra-t-on aux élèves méritants, par des passerelles multiples, « d’Apprendre à apprendre » et de gravir sans limite l’échelle du savoir. Gaston Bachelard, l’auteur de la citation, n’était-il pas facteur avant de devenir professeur de philosophie ?
Pour le seul secteur de l’Éducation, vous avez du pain sur la planche, salaires des enseignants, responsabilités des chefs d’établissements, dispositifs de protection des élèves et des professeurs, responsabilisation des parents, arrêt du collège unique (n’est-ce pas la vraie raison de votre choix de Stan), réforme profonde de l’apprentissage et de l’enseignement technique, relations école-entreprises, valorisation de la recherche…
Si vous ne vous hissez pas d’emblée à la hauteur des enjeux, si vous devez faire face à des problèmes majeurs (terrorisme) à l’occasion des JO, vous n’aurez été quels que soient vos mérites et vos talents qu’un « fusible » entre les mains d’un pouvoir qui en cas de conflit vous abandonnera sans remord.
Bonne chance quand même…
Pierre Chastanier, 27 janvier 2024